le Labyrinthe de Pan
Deux ans. Deux années déjà. Deux ans qu'est sortit sur les écrans ce film au visuel inquiétant et énigmatique. Six mois que j'ai le DVD, prêté par Monsieur Lledelwin. Six mois qu'il prend la poussière sur mon bureau, à coté de mon ordinateur, attendant que je me décide à le visionner. Tout ce temps pour me décider. C'est que les informations étaient très partagées et envoyaient des signaux contradictoires. Film fantastique ("oh oui !!!"), film de guerre ("...heu... Genre quoi ? Parce que bon, moi, les films de guerre...") Conte sombre ("Chouette alors !") Parcours initiatique ("Oh oui ! ...Attend, tout les contes sont des parcours initiatiques") Scénario atypique ("genre atypique comment ?") ...Sur fond de guerre d'Espagne ("avec un faune par-dessus le marché ? Je le visualise mal, le mélange"). Jusqu'à cette opinion formulée par ledit propriétaire du DVD : "Et bien, mitigé, c'est un très bon film, c'est clair, mais c'est pas le conte de fée qu'on te vend. C'est un film se passant durant la guerre civile espagnole, avec une petite fille coincée dans la montagne avec son beau-père franquiste qui torture efficacement et avec plaisir, et qui, par-dessus le marché, voit des fées... Mais bon, c'est limite secondaire." qui n'a pas achevé de me convaincre de le regarder, loin de là.
Parce que bon, moi, les films de guerre avec des tortionnaires sadiques qui n'ont même pas pour eux le fait d'être sortit de l'imaginaire d'un scénariste uniquement, ça me rend toute morose et ça me pourrit le moral. Les films fantastiques qui font peur, mais vraiment peur, ça me pourrit aussi le moral, mais dans un style différent. Ça m'empêche de dormir, ça me fait craindre les grincements du placard, ça me rend plus nerveux qu'un chat dans une salle d'attente de vétérinaire, bref, ça me réussi moyen. Alors le mélange des deux genres, j'appréhendais. Surtout si on me dit qu'en plus le film est très réussit. Un film de guerre très sombre avec une pincée de fantastique adulte et sombre, je sais pas pourquoi, j'appréhendais.
Mais bon, c'est un chef-d'oeuvre, c'est un monument, c'est à voir, c'est à ne pas manquer, et puis bon, même lorsque je suis persuadée ne pas apprécier le genre cinématographique du film que me conseille mon copain, au final, j'adore.
Et bien finalement, je peux dire que je n'ai pas regretté. D'avoir vu le film seule et en DVD, je veux dire. Ça m'a permis d'avancer rapidement durant certaines scènes qui s'annonçaient particulièrement glauques. Ça m'a permis de faire semblant de surveiller ma messagerie durant certains passages. De mettre sur pause le temps de souffler. Tas de trucs qui m'auraient été impossible dans une salle de cinéma, par exemple.
Bon, au final, j'ai pas aimé. C'est un bon film, très efficace, très sombre, très très sombre, très glauque, une ambiance très oppressante, des monstres vraiment monstrueux (et Sergio Lopez campe formidablement l'Ogre de la Montagne)* et... beaucoup trop gore pour mon petit coeur sensible. Trop violent, que ce soit dans la violence de l'ambiance, dans celle qui est explicitement montrée et dans celle qui est distillée, suggérée tout du long du film. Qui se finit mal, en plus. Plus ou moins mal selon l'angle de lecture qu'on a choisit de prendre, mais mal de toute façon. Oui, le monde surnaturel est sombre... De là à le qualifier d'inquiétant, il y a un pas. Epreuves, confrontation avec des créatures diverses et variées (enfin, pas si variée que cela, n'empèche), son impact émotionnel sur le spectateur reste bien plus faible que celui des courses poursuites entre maquisards et franquistes qui se terminent de temps à autre par une interressante discutions entre hommes et entre quatre yeux (oh, yen a un qui vient de rouler sous la table, justement). Promesse de lendemains qui chantent pour la petite Ofelia, supposée princesse exilée parmis les humains qui doit conquérir le droit à rentrer chez son papa le roi des fées, ce sont aussi des moments de répit loin de la barbarie de la guerre. Bien trop espacés, les moments de répit, d'ailleurs. Mais du coup, on a du mal à s'attacher à l'intrigue féérique et à ses protagonistes - simplisime au demeurant, il suffit d'imaginer un Ford Boyard avec un père Fougasse cornu puisque ce qu'Ofelia doit faire, c'est accomplir trois missions, trouver trois objets avant la pleine lune, en suivant les indications du vieux et frétillant faune. Du coup, ce qui marque durablement les esprits, ce sont les scènes dans le monde réel. Celles mettant aux prises un groupe de Republicains avec un escadron Franquiste qui s'emploie à exterminer systématiquement les premiers, lesquels s'obstinnent à ne pas vouloir s'évanouir dans l'air du temps, les malheureux, peu au fait de l'Histoire à Venir, espèrent peut-être encore d'improbables lendemains qui chantent. Nous, spectateurs, on sait bien que cet espoir fut vain et l'on se retrouve à espérer lâchement que ceux auxquels on s'est le plus attachés parmis les "gentils" (ceux qui ne sont pas dirigé par un sadique sanguinaire et sociopathe) puissent s'en sortir... Comme on ne fait pas d'ommelette sans casser des oeufs, on ferme les yeux et son petit coeur sensible lorsque ça défouraille en espérant que... Et quand je commence à faire des petits marchés sordides entre ceux qui peuvent crever, d'accord, ceux que je voudrais bien voir survivre, siouplé, je commence aussi à trouver qu'il y a quelque chose qui pue le pâté. Cette critique, en l'occurence, que je m'en irai très certainement basarder d'ici un jour ou deux ou trois, lorsque j'aurais trouver quelque chose de mieux tourner pour la remplacer.
Et j'achèverai sur mon conseil du jour : pour la Noël, évitez le coffret "Narnia - Labyrinthe de Pan" sous prétexte qu'il s'agit de conte de fée avec des faunes. Vraiment, je vous le dis en toute amitié, Évitez.
* Et une mention toute spéciale à Guillermo del Toro pour l'interpretation toute personnelle qu'il fait de l'expression "avoir un coup d'rouge dans l'nez"