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Scribouillages et pensées frénétiques
26 mars 2006

Dans le ciel, un oiseau, lentement...

Un récit* sur l'abrutissement et l'aliénation qui forment le quotidien d'un appelé sous les drapeau ne devrait pas faire partie des récits les plus succeptibles de me toucher. La crainte du service militaire, la mythologie attaché à ce "rite de passage" n'a jamais fait partie de mon univers mental. Pour raison chromosomique, je n'aurais jamais été appellée même si le service militaire n'avait pas été supprimé.
Si je peux comprendre, mon ressentit restera toujours celui d'un spectateur parce qu'il n'y a pas grand chose qui se rapproche de ce genre d'expérience collective de nivelement et d'uniformisation brutale. Malgré toute l'empathie dont je peux faire preuve, mon regard reste, au fond, celui horrifié et incrédule d'un spectateur. Et d'un coté, c'est peut être rassurant : je n'ai pas connu les ordres imbéciles, les humiliations constantes, les privations et la fatigue extrème érrigés en quotidien, en rêgle de vie, en norme.

En tout cas, pas poussé à cette extrême, même si certains camps de fouilles en Ardenne se sont révélés assez éprouvant mentalement comme physiquement. A tel point que je me suis retrouvée à un moment avec deux voix dans la tête, l'une, de rage pure, partant de mes trippes, m'intimmant d'en finir une bonne fois pour toute et de me servire de ma pioche à des fins peu archéologique sur une certaine personne absolument insuportable au physique de vieille tortue, l'autre me rappellant que ce serait idiot de compromettre la suite de sa vie pour une bique qui risquerait de mourir avant que je ne sorte de prison, ce qui eut pour résultat de plonger la première voix dans des réflexions amères sur mon manque de cran... et à ma rage pure de lentement refluer.

Il n'y a jamais eut de circaète Jean le Blanc qui se posa pour moi sur le toit de la cabanne de chantier... Mais il y avait une famille de buse variable qui apparaissaient au-dessus des arbres et usaient du rayonnement du sol nu de la clairière pour danser une pavanne lente et solennelle dans les courrant d'air ascendant, lents cercle gracieux de plus en plus haut dans l'azur blanchissant du ciel, de plus en plus loin de moi, de l'argile et la poussière.

J'ai parfois pleuré en les regardant


le_rapace__l_horizon

*M. LARCENT Presque Les Rêveurs 1998

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Commentaires
C
J'ai fouillé une fois ou deux sans vraiment comprendre ce que je faisais, et je reconnais que c'est un poil démoralisant. Mais c'était parce que le site était particulièrement complexe, pas parce que le patron était un abruti.<br /> <br /> Allumer du feu sans papier, trop facile ! (tu as fait du scoutisme, non ?)<br /> <br /> Sans allumettes, je n'ai jamais essayé personnellement, mais il y a à Montpellier un groupe d'archéologie expérimentale spécialisé sur ce sujet : je les ai vu pratiquer à plusieurs reprises, avec silex et marcassite, ou avec un archet, et même avec une corne de vache (sérieux, ça marche !). Impressionnant. Pour en savoir plus : http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/imprimer.php?id=526
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L
Ah pour transformer un chantier de fouille en une horreur sans nom, il suffit d'un Mr le Professeur d'un certain age attaché au protocole du à son rang flanqué d'une assistante (beaucoup plus agé que le professeur, sorte de curiosité au sein de l'université dont nous n'avons pas encore bien compris la raison)formant barrage et courcicuitant toute tentative de lien entre l'étudiant et le professeur, dictatoriale et décidée à se faire obéir au doigts et à l'oeil de ces gamins ayant le quart de son age à peine...<br /> <br /> Au total, ambiance Carnavonesque assurée : accroupi dans la poussière, effectuant des tâches dont il nous fallait deviné le plus souvent la finalité et sans qu'aucun avis sur la question ne nous ait été demandé, il nous manquait la gallabieh et la houe pour parfaire notre panoplie du parfait petit fellah... C'est d'ailleur cette fameuse assistante que j'ai été violament tenté d'achever d'un coup de pioche bien placé... <br /> <br /> A coté de ce souvenir exécrable quoique haut en pitoresque quelques années après, j'en ai d'excellent de chantier de fouilles, avec des directeurs absolument charmant et qui nous faisaient l'insigne honneur de ne pas nous prendre pour des abrutis congénitaux. Nous aussi, avons tenté des reconstitutions archéologiques, plus "scout" dans l'esprit, peut être, allant d'allumer un feu sans papier (mais avec des allumettes, déconnons pas) pour y réchauffer nos carcasses et le repas à tenter de faire bouillir de l'eau avec des gallets chauffés dans le feu, ce qui marche mais donne une couleur grisatre à l'eau pour cause de cendre... <br /> <br /> Ceci dit, ma lettre de démotivation n'est qu'un très pale ébauche à coté du livre de Mr Manu Larcenet
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C
Beau texte en effet, qui me touche particulièrement : pour raison chromosomique, on m’a demandé un jour de rejoindre un régiment, invitation que j’ai décliné en sollicitant le statut d’objecteur de conscience. Je m’en félicite encore longtemps après, mon seul regret étant de n’avoir pas eu ton talent pour rédiger ma lettre de motivation ! <br /> <br /> Or, à la même époque, j’étais mordu d’archéo et pratiquait intensément, environ trois mois par an. Jamais je n’avais établi le moindre lien entre les fouilles et l’armée, deux formes de vie en collectivité, certes, mais pour moi la similitude s’arrêtait là… Je ne compte plus le nombre d’objecteurs / insoumis / réformés-en-pleine-forme que j’ai pu croiser au fond des sondages ! C’est avec bonheur que j’ai pu fuir la bêtise des casernes que tu évoques, et avec le même bonheur que j’ai fréquenté en archéo des gens intelligents, sensibles et drôles, juste suffisamment fêlés pour passer tout leur été à gratter bénévolement la terre à quelques kilomètres de la méditerranée. <br /> <br /> J’ai aussi quelques souvenirs ornithologiques de cette époque, j’en ai peur sensiblement moins poétiques que les tiens : un petit matin de septembre, un faisan téméraire s’étant approché un peu trop près du chantier, il fut pris en chasse par trois antimilitaristes forcenés (dont j’étais), armés en guise de javelot des jalons métalliques du théodolite normalement destinés à cartographier la voie romaine. Comme quoi, il en faut bien peu pour réveiller les instincts sanguinaires des militants pacifistes ! Ceci dit, l’animal court toujours.<br /> <br /> Mais bon, une fouille c’est un site, une équipe, et un directeur / une directrice. J’ai eu la chance de fréquenter des directeurs de fouille formidables, intellectuellement brillants et humainement chaleureux, je leur suis reconnaissant de tout ce qu’ils m’ont apporté, qui va bien au delà des connaissances scientifiques. C’est pourquoi ton texte m’attriste particulièrement : moi qui n’ai que des bons souvenirs d’archéo, je suis révolté que l’on puisse éprouver une telle détresse sur une fouille ; que quelqu’un ait pu transformer en cauchemar pour toi ce qui pour moi a toujours été un profond plaisir.
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S
Très joli !
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G
une très belle note...
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