Dans le ciel, un oiseau, lentement...
Un récit* sur l'abrutissement et l'aliénation qui forment le quotidien d'un appelé sous les drapeau ne devrait pas faire partie des récits les plus succeptibles de me toucher. La crainte du service militaire, la mythologie attaché à ce "rite de passage" n'a jamais fait partie de mon univers mental. Pour raison chromosomique, je n'aurais jamais été appellée même si le service militaire n'avait pas été supprimé.
Si je peux comprendre, mon ressentit restera toujours celui d'un spectateur parce qu'il n'y a pas grand chose qui se rapproche de ce genre d'expérience collective de nivelement et d'uniformisation brutale. Malgré toute l'empathie dont je peux faire preuve, mon regard reste, au fond, celui horrifié et incrédule d'un spectateur. Et d'un coté, c'est peut être rassurant : je n'ai pas connu les ordres imbéciles, les humiliations constantes, les privations et la fatigue extrème érrigés en quotidien, en rêgle de vie, en norme.
En tout cas, pas poussé à cette extrême, même si certains camps de fouilles en Ardenne se sont révélés assez éprouvant mentalement comme physiquement. A tel point que je me suis retrouvée à un moment avec deux voix dans la tête, l'une, de rage pure, partant de mes trippes, m'intimmant d'en finir une bonne fois pour toute et de me servire de ma pioche à des fins peu archéologique sur une certaine personne absolument insuportable au physique de vieille tortue, l'autre me rappellant que ce serait idiot de compromettre la suite de sa vie pour une bique qui risquerait de mourir avant que je ne sorte de prison, ce qui eut pour résultat de plonger la première voix dans des réflexions amères sur mon manque de cran... et à ma rage pure de lentement refluer.
Il n'y a jamais eut de circaète Jean le Blanc qui se posa pour moi sur le toit de la cabanne de chantier... Mais il y avait une famille de buse variable qui apparaissaient au-dessus des arbres et usaient du rayonnement du sol nu de la clairière pour danser une pavanne lente et solennelle dans les courrant d'air ascendant, lents cercle gracieux de plus en plus haut dans l'azur blanchissant du ciel, de plus en plus loin de moi, de l'argile et la poussière.
J'ai parfois pleuré en les regardant
*M. LARCENT Presque Les Rêveurs 1998